Il existe un consensus scientifique autour du déclin catastrophique (-95%) de vautours à travers l’Asie du Sud dans les années 1990, causé par l’utilisation vétérinaire du diclofénac, très toxique pour les vautours. Malgré cela, ce médicament a été nouvellement approuvé pour un usage vétérinaire en Espagne en 2013. Cette approbation avait été donnée par les autorités espagnoles malgré de fortes mises en garde de la part des ONG et des scientifiques à propos des impacts probables sur les populations de vautours européens. Selon une étude publiée en 2016, l’utilisation du diclofénac chez le bétail pourrait contribuer à un taux de mortalité annuel supplémentaire de 0,9 % à 7,7 % chez les vautours fauves en Espagne (Green et al 2016). Cependant, il a été soutenu par les autorités réglementaires de l’UE et de l’Espagne (et de certains autres pays européens) que le diclofénac n’entrerait pas dans l’alimentation des vautours en raison de restrictions strictes sur l’approvisionnement des sites d’équarrissage naturel des vautours avec des carcasses d’animaux ayant reçu des médicaments vétérinaires avant leur mort. Cependant, même au moment où l’autorisation du diclofénac a été accordée, on savait déjà que cet argument était fallacieux. En septembre 2020 un jeune vautour moine a été trouvé mort dans son nid en Catalogne, en Espagne. L’analyse chimique de ses tissus et les résultats de l’autopsie ont révélé qu’il était mort d’une exposition au diclofénac vétérinaire. Auparavant, quatre vautours fauves avaient été empoisonnés par la flunixine (Zorrilla et al. 2015, Herrero-Villar et al. 2020) et la surveillance des carcasses d’animaux disponibles pour les vautours en Espagne avait montré que certaines carcasses contenaient des résidus de trois AINS vétérinaires, dont le diclofénac et la flunixine (Herrero-Villar et al. 2020). Les preuves que les réglementations destinées à contrôler la méthode d’élimination des carcasses ne protègent pas les vautours de l’exposition aux médicaments toxiques sont désormais accablantes. Ces dernières nouvelles confirment une nouvelle fois la menace très réelle que représente le diclofénac s’il reste utilisé en médecine vétérinaire.

C’est le premier cas confirmé d’empoisonnement au diclofénac en Espagne (et en Europe), et également le premier rapport d’empoisonnement au diclofénac chez le vautour moine. Selon Antoni Margalida, scientifique à l’Institut de recherche sur le gibier et la faune sauvage (CSIC-UCLM-JCCM) et auteur de la lettre publiée dans Science, « il s’agit d’un moment décisif qui prouve que le diclofénac vétérinaire entre non seulement dans la chaîne alimentaire des vautours en Espagne, mais qu’il les tue également. Le diclofénac devrait être interdit d’utilisation vétérinaire en Europe et les licences d’autres AINS toxiques pour les vautours doivent être réexaminées de toute urgence ».
Rhys Green, président de SAVE (Save Asian Vultures from Extinction), professeur à l’université de Cambridge et co-auteur de la lettre, a déclaré : « La menace posée par le diclofénac et d’autres AINS toxiques était évidente auparavant, mais ces dernières preuves publiées devraient convaincre les régulateurs que les protocoles et directives vétérinaires sont inadéquats. La seule façon d’éviter de nuire aux populations de vautours sauvages légalement protégées est d’annuler les licences en Europe pour la production de diclofénac vétérinaire et d’autres AINS toxiques pour les vautours. Si nécessaire, d’autres médicaments vétérinaires connus pour être sans danger pour les vautours, comme le méloxicam, devraient être utilisés à la place. »
Cette mesure sera également conforme à la récente résolution de la Convention sur les espèces migratrices qui, parmi les mesures clés nécessaires pour les AINS toxiques, appelle à un effort international pour retirer le diclofénac de la pratique vétérinaire. »
Olivier Duriez, maitre de conférences à l’Université de Montpellier, et co-auteur de la lettre, insiste sur le fait que ce cas pourrait être “l’arbre qui cache la forêt”, car cet individu a été retrouvé grâce à sa balise GPS, mais de nombreux autres vautours, non porteurs de balises, pourraient être déjà morts mais jamais retrouvés. Le diclofénac à usage vétérinaire n’est pas autorisé en France, mais les vautours français ne sont pas à l’abri de cette menace car la majorité des jeunes vautours fauves et moines passent leurs premières années de vie immature en Espagne. Suite à un ambitieux programme de réintroduction débuté en 1992, le vautour moine demeure le vautour le plus rare de France, avec une population totale de 50 couples.

Liens connexes : https://www.birdlife.org/europe-and-central-asia/news/diclofenac-poisons-cinerous-vulture-spain

Références clés :

  • Margalida, A., Green, R.E., Hiraldo, F., Blanco, G., Sánchez-Zapata, J.A., Santangeli, A., Duriez, O., Donázar, J.A. (2021). Ban veterinary use of diclofenac in Europe. Science http://science.sciencemag.org/cgi/doi/10.1126/science.abj0131.
  • Green, R.E., Donázar, J.A., Sánchez-Zapata, J.A., and Margalida, A. (2016) Potential threat to Eurasian griffon vultures in Spain from veterinary use of the drug diclofenac. Journal of Applied Ecology, 53:4. https://doi.org/10.1111/1365-2664.12663
  • Herrero-Villar, M., Delepoulle, É., Suárez-Regalado, L., Solano-Manrique, C., Juan-Sallés, C., & Iglesias-Lebrija, J. et al. (2021). First diclofenac intoxication in a wild avian scavenger in Europe. Science Of The Total Environment, 146890. https://doi.org/10.1016/j.scitotenv.2021.146890
  • Herrero-Villar, M., Velarde, R., Camarero, P., Taggart, M., Bandeira, V., & Fonseca, C. et al. (2020). NSAIDs detected in Iberian avian scavengers and carrion after diclofenac registration for veterinary use in Spain. Environmental Pollution, 266, 115157. https://doi.org/10.1016/j.envpol.2020.115157
  • Zorrilla, I., Martinez, R., Mark A. Taggart, M.A., Richards, N. (2015) Suspected flunixin poisoning of a wild Eurasian Griffon Vulture from Spain. Conservation Biology 29:2. https://doi.org/10.1111/cobi.12417

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