Des rapaces et des hommes

Cerner les relations qui se sont établies entre hommes et rapaces au cours des siècles en Pays Basque n’est pas une chose aisée. Cette histoire reste à écrire.

Arrano sugejalea © Alain Pagoaga

Le rapaces ont ici aussi comme dans d’autres civilisations marqué l’esprit des hommes et en particulier des bergers, populations les plus en contact notamment avec les grands rapaces charognards. Comme le signale le biologiste Claude Dendaletche, « ces oiseaux, par leurs comportements, modes de vie, ont en effet suscité l’élaboration de croyances et de rites… En effet quel animal incarne mieux que les vautours cette réalité : la vie n’existe que parce qu’elle est permise par la mort ».

Dans la partie la plus montagneuse de la province de Soule, il existait des exemples saisissants de chants sans paroles, « basa ahaideak » évoquant le vol de rapaces. Les deux plus connus sont « Belatxa » (l’épervier en souletin) et « Arranoa » (l’aigle ou le vautour ?). D’après les témoignages recueillis auprès de leurs interprètes, ils évoqueraient le désir de l’homme de s’envoler vers le soleil à la manière des rapaces cités.

Bien entendu les rapaces n’ont pas ici aussi plus qu’ailleurs échappé à des préjugés et à des croyances qui leur ont coûté maintes persécutions et destructions. Ainsi certains rapaces ont-ils été chassés. Les anciennes cartes postales des tableaux de chasse de vautours fauves à la Rhune sont là pour nous le rappeler.

Ces persécutions ne devaient pas uniquement être l’oeuvre de chasseurs de passage. L’ethnologue Txomin Peillen souligne dans ses travaux menés sur la tradition de la chasse dans la province de Soule que les faucons, éperviers et milans pouvaient être pris dans des pièges ou tirés mais qu’en revanche les populations locales se refusaient à tuer les « petits et grands aigles », les vautours et le percnoptère d’Egypte en particulier. Cela portait malheur et ces oiseaux étaient de toute manière considérés comme de amis des bergers. Jean Baratçabal berger souletin dans les Arbailles durant la première guerre mondiale témoigne de cette « utilité » des vautours : « Les vautours tournant en rond dans le ciel indiquent l’endroit où se trouve une bête morte ou malade. Dans ce cas on peut la ramener sur nos épaules dans notre petit abri attenant à l’olha ».

De nos jours, l’application du cadre juridique de protection de la nature et le regain d’intérêt de l’opinion public pour les questions environnementales semblent à présent peser de tout leur poids sur les rapports hommes-rapaces. De vénérés, craints, haïs ou déconsidérés les rapaces sont devenus protégés ce qui en en soit un bien pour le maintien et le développement de leurs populations. Il est cependant tout aussi important que ces oiseaux soient considérés comme un bien commun à l’ensemble des habitants du piémont basque. Une patrimonialisation gage de protection pérenne qui ne pourra se faire sans le concours de tous les acteurs socio-économiques de la montagne basque et sans une sensibilisation et une éducation des plus jeunes.

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