Les oiseaux migrateurs sont des proies potentielles momentanément abondantes qui peuvent être exploitées par les rapaces. L’exemple le plus démonstratif est celui des faucons d’Éléonore (Falco eleonorae) dont la saison de reproduction en fin d’été correspond au pic de la migration postnuptiale des passereaux au dessus de la Méditerranée afin d’assurer un maximum de proies à leurs jeunes.

L’extrémité occidentale des Pyrénées est un des lieux où se concentrent les flux migratoires du Sud-Ouest européen. La migration postnuptiale y est régulièrement suivie depuis plusieurs années sur différents sites en particulier les cols de Lizarrieta, de Lindus, d’Orgambideska et du Soulor (voir: https://www.trektellen.org/)

Les observations d’attaques ou de tentatives d’attaque par les aigles royaux sont de plus en plus souvent rapportées sur différentes espèces de migrateurs par les ornithologues qui assurent ces suivis, les plus spectaculaires sur les cigognes (Ciconia sp.) et grues cendrées (Grus grus).

Un tel comportement a été initialement documenté par Thiollay (1979) qui avait observé la prédation par l’aigle royal sur les grues demoiselles (Anthropoides virgo) en migration au dessus de l’Himalaya. Il évaluait à 6% le taux d’attaques réussies et à une capture tous les quatre jours par couples d’aigles territoriaux. Cette prédation régulière était estimée à 1 sur 1000 migrateurs.

La récente publication de Wentworth et al. (2024) rassemble les observations au col d’Orgambideska et confirme la fréquence du phénomène qui là se concentre sur trois principales espèces (83%): milan noir (Milvus migrans), cigogne noire (Ciconia nigra) et grand cormoran (Phalacrocorax carbo) avec un taux moyen de succès de 12,3%.

Ce comportement apparaît donc comme une composante régulière du spectre de prédation de l’aigle royal dans les Pyrénées occidentales. Il illustre l’opportunisme caractéristique de l’espèce qui profite de cet afflux saisonnier de proies potentielles et contribue à la diversité de son régime alimentaire. Et la présence de jeunes aigles de l’année parfois observés accompagnant les adultes lors de ces attaques peut faire penser à une forme d’apprentissage pour la transmission de ce comportement.

RÉFÉRENCES:

Thiollay J. M. 1979. La migration des grues à travers l’Himalaya et la prédation par les Aigles royaux. Alauda 47 :83-92.

Wentworth A., Meuraillon Y., Capbern P. & Migaud P. 2024. Attaques d’Aigle royal (Aquila chrysaëtos) sur les oiseaux en migration post nuptiale au Pays Basque (Orgambidexka) Alauda 92: 357-360.

ILLUSTRATION:

Vue d’artiste d’une attaque d’aigle royal sur une grue au dessus de l’Himalaya.

( J. Avilés Campos in The Golden Eagle Around the World 2024. D. H. Ellis, J. Bautista & C. H. Ellis Eds. Hancock House).

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